Questionnaire 

Taddeo Reinhardt



Quels sont les films qui ont marqué...
    1. Votre enfance ?

— Playtime de Jacques Tati
— Porco Rosso
d’Hayao Miyazaki
— Metropolis
de Rintaro
— Charade
de Stanley Donen
— Reinette et Mirabelle
d’Éric Rohmer
— Big Fish
de Tim Burton
— Les films Pixar
— Les Oiseaux
et L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock
— Les Demoiselles de Rochefort
de Jacques Demy
— Les Temps Modernes
de Charlie Chaplin

2. Votre adolescence

— Deep End et Moonlightning de Jerzy Skolimowski
— Punishment Park de Peter Watkins
— Two Lane Blacktop de Monte Hellman
— Last Days de Gus Van Sant
— La série des Antoine Doinel de François Truffaut
— Il Grido de Michelangelo Antonioni
— Control d’Anton Corbijn
— Les Ailes du désir de Wim Wenders
— Peeping Tom de Michael Powell
— Tonnerre de Guillaume Brac
— L’Anguille de Shohei Imamura
— Millenium Mambo de Hou Hsiao-Hsien
— La Maman et la Putain de Jean Eustache
— Le Joli Mai de Chris Marker et Pierre Lhomme
— The Savage Eye de Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick
— Sailor et Lula de David Lynch
— Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman
— Shame de Steve McQueen
— Mémoire du sous-développement de Tomás Gutiérrez Alea
— Ma Nuit chez Maude d’Éric Rohmer
— A Touch of Sin de Jia Zhangke

3. Votre vie d’adulte

— Bird People de Pascale Ferrand
— Toute une nuit de Chantal Akerman
Taipei Story d’Edward Yang
— Ici et Ailleurs d’Anne-Marie Miéville et Jean-Luc Godard
— Eau argentée d’Oussama Mohammad et Wiam Simav Bedirxan
— Lessons of Darkness de Werner Herzog
— Io la conoscevo bene et Adua et ses compagnes d’Antonio Pietrangeli
— Lazzaro Felice d’Alice Rohrwacher
— Manille : Dans les griffes de Ténèbres de Lino Brocka
— Existenz de David Cronenberg
— Light Sleeper de Paul Schrader
— Martha, L’Année des treize lunes, Roulette Chinoise et Le Monde sur le fil de R. W. Fassbinder
— Out of the Past de Jacques Tourneur
— Shame de Steve McQueen
— Rebel of Neon Gods de Tsai Ming-Liang
— Something Wild de Jonathan Demme
— I Fidanzati d’Ermanno Olmi
— La Cienaga de Lucrecia Martel
— La Villa de Robert Guédiguian
— Antoine et Antoinette de Jacques Becker
— Not a Pretty Picture de Martha Coolidge
— Un condamné à mort s’est échappé et Le Diable Probablement de Robert Bresson
— Le Bonheur d’Agnès Varda
— Conte d’hiver d’Éric Rohmer
— Dans la Ville Blanche d’Alain Tanner
— Je veux voir de Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige
— Homeland : Iraq Année Zéro d'Abbas Fahdel sous Eau argentée

Citez un film que vous associez… 

À une musique : 

— Deep End de Jerzy Skolimowski, à Mother Sky de Can.
— Deprisa Deprisa de Carlos Saura, à Me Quedo Contigo de Los Chunguitos.

À une couleur :

— Days of Being Wild de Wong Kar Wai, à un vert aqueux et sombre.
— Toute une nuit de Chantal Akerman, à un bleu profond et discret.
— Le Goût de la Cerise d’Abbas Kiarostami, à un jaune solaire et poussiéreux. 

À un visage :

— Le visage et les yeux pleins de larmes de Dhia Cristiani dans Ossessione de Luchino Visconti.
— Le visage crispé de Delphine Seyrig et sa larme solitaire dans Muriel ou le temps d’un retour d’Alain Resnais.
— Le visage et la bouche de laquelle sort une abeille de Gelsomina dans Le Meraviglie d’Alice Rohrwacher.
— Le visage blafard et ravagé de Christopher Walken dans The Deer Hunter. 
— Les deux visages qui se fondent l’un dans l’autre des deux sœurs des Années de Plomb de Margarethe von Trotta. 

À une lumière : 

— Van Gogh de Maurice Pialat, à une lumière d’été.
— Vertigo, à la lumière d’une enseigne qui inonde de vert une chambre d’hôtel. 
— Vitalina Varela de Pedro Costa, à des lueurs précises et nocturnes. 

À un son :

— Pickpocket de Robert Bresson et L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty de Wim Wenders, au bruit des pas. 

À un lieu :

— The Shooting de Monte Hellman, Profession: Reporter d’Antonion, Hitch-hiker d’Ida Lupino, Le Gout de la Cerise d’Abbas Kiarostami, au désert.

À un vêtement :

— Wild at Heart de David Lynch à la veste en croco de Nicolas Cage : “Did I ever tell you that this jacket represents a symbol of my individuality and my belief in personal freedom?”.
— Le Quai des Brumes de Marcel Carné, à l’imperméable en plastique transparent que porte Michèle Morgan lors de sa première apparition.

À un objet :

— Terrorizers d’Edward Yang, à un rideau transparent.
— Absences Répétées de Guy Gilles, à un masque, qui par association me fait penser à ceux de Joan Jonas.
— Deux ou trois choses que je sais d’elle de Godard et Il Posto d’Ermanno Olmi, à des tasses à café.

Au silence :

— Vive l’Amour de Tsai Ming Liang
— Ombres au Paradis d’Aki Kaurismäki
— Les Rendez-vous d’Anna de Chantal Akerman

Au désordre :

— Prenez Garde à la Sainte Putain de Fassbinder et Living in Oblivion de Tom DiCillo pour la mise en scène du chaos d’un tournage.
— Handsworth Songs de John Akomfrah
— Parsi de Eduardo Williams (mais peut-être s’agit-il plus ici d’un déséquilibre que d’un désordre ? Je laisse la question en balance.)

Que regardez-vous dans les films ?
Le cadre et le grain ; les intérieurs ; la lumière et le vent.

Racontez-nous un souvenir de cinéma.
J’ai vu le film Une Jeunesse Allemande de Jean-Gabriel Périot lors de l’une de ses dernières séances (à l’Épée de Bois il me semble). J’étais seul dans la salle et me suis pris pendant la projection d’une fascination électrique pour Ulrike Meinhof, qui m’était alors totalement inconnue. J’étais surexcité et profitais d’être seul pour me lever, faire des commentaires à voix haute, gesticuler. Je me souviens m’être dit vouloir absolument savoir ce que Meinhof était devenue, connaître son regard sur le monde actuel, la manière dont elle vivait encore avec le spectre de son combat. Pourquoi pas la rencontrer (on affabule dans ces moments-là), voir ses yeux. Il faut voir ses yeux, aujourd’hui, demain. Je débloque… Et puis est venu le moment du film où j’apprends son suicide, terrible, d’une violence inouïe et glaçante, en prison. C’est une déchirure. Je ne crois pas avoir vécu d’autre séance avec une telle passion. J’ai continué à m’intéresser à elle suite au film, à certains de ses écrits, jusqu’à organiser lors d’un ciné-club avec des amies, une projection d’une version rippée de son téléfilm Bambule, petite et précieuse rareté.

Qu’est-ce qui vous émeut au cinéma ?

La fragilité d’un personnage, l’impression de vulnérabilité.

Qu’est-ce qui vous impressionne au cinéma ?

Une salle comble qui se tord de rire. Quelques expériences marquantes et jouissives : His Girl Friday de Howard Hawks (80 ans après sa sortie !!) et À l’Abordage de Guillaume Brac à Berlin, Toni Erdmann de Maren Ade à Londres.

Qu’est-ce qui vous amuse au cinéma ?

Des gimmicks, des attitudes. Tous les personnages de Something Wild, d‘Un poisson nommé Wanda, des Vacances de Monsieur Hulot et de I Basilischi.

Quels sont les films qui vous habitent ?

Des films atmosphériques, dont les rythmes singuliers peuvent resurgir et prendre le pas sur le réel.

Quels sont les paysages de cinéma que vous rêveriez d’explorer ?

C’est une question difficile car il est compliqué de dissocier les paysages de films des affects qui les accompagnent. Peut-être le Berlin de Les Ailes du désir, justement parce que c’est un film qui suit une découverte, le passage d’un rapport d’observation à une dimension sensible, et que la ville y apparaît fascinante.


Quels sont les artistes qui vous inspirent ?

Julie Becker, Anna Viebrock, Lynne Cohen, Dora Budor, Vera Lutz, Rosemarie Trockel, Rachel Witerhead, Susanne Kennedy, Dirk Braeckman, Wolfgang Tillmans... Généralement des artistes dont le travail repose sur un principe d’évocation et de révélation ; qui mobilisent des petites choses et des petits gestes qui charrient malgré tout, et parfois malgré eux, des réseaux d’expérience, de perception et d’appréhension sinueux et complexes ; qui abordent la fiction et la narration via des biais détournés ou en lui tournant totalement le dos ; pour qui l’espace est central.

Que trouvez-vous dans les autres formes d’art que vous ne trouvez pas au cinéma ?  

Souvent une liberté de champ, le fait de pouvoir évoquer, aborder la fiction sans s’y contraindre.

Et inversement, quelles sont les sensations vous procure le cinéma et que vous ne trouvez pas ailleurs ?

Un rythme, un courant. 

Taddeo Reinhardt travaille à l’intersection de l’art contemporain, de la photographie et du cinéma.
Diplômé de Central Saint Martins, il rejoint la Galerie In Situ en tant que chercheur associé en 2019, où il organise les expositions This margin will be your vantage point et In the Off Hours. Auparavant, il est passé par les départements curatoriaux du MOCO – Montpellier Contemporain et du Palais de Tokyo, ainsi qu’au service des publics de la maison rouge. Il a fait partie des candidats sélectionnés pour le Barbican Emerging Film Curators Lab (Londres, 2020) et le Workshop for Emerging Arts Professionals de Para Site (Hong Kong, 2018). Au printempts 2023, il publie son premier ouvrage, (sighs softly), aux éditions Annet. Dans le cadre de projets musicaux, il collabore régulièrement avec des webradios, dont Radio Raheem, Isolarii, NTS et Res.radio.

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