Questionnaire 

Pauline Hisbacq




Quels sont les films qui ont marqué...
    1. Votre enfance ?

Petite j’adorais Madonna. J’ai vu Who’s that girl? de James Foley de nombreuses fois. Je me souviens surtout de son look et du fauve à la fin du film. Elle me fascinait totalement. Je suis encore fan de sa musique période années 80. Ensuite, vers 10-12 ans, j’ai eu une grosse phase sur le film Great balls of fire! de Jim McBride avec Winona Ryder. Quand j’y repense aujourd’hui, il y a un truc pas net avec cette histoire. Jerry Lee Lewis épouse sa très très jeune cousine, qui est encore une enfant. Mais à l’époque, je trouvais ça dingue.  

2. Votre adolescence ?

Il y a eu un cycle de téléfilms sur Arte en 1994 ou 1995 intitulé Tous les garçon et les filles : ça a fondé mon adolescence. Je pense vraiment que voir certains de ces films a déterminé qui j’ai été adolescente et les directions que j’ai choisies de prendre ensuite, de manière inconsciente. Je pense au film Travolta et moi de Patricia Mazuy notamment. Pas tant pour le film en soi que pour ce que portait cette collection, celle d’un cinéma d’auteur, avec de jeunes acteurs, avec des histoires d’adolescents... Je m’identifiais beaucoup à cet univers.  Il y a eu aussi Le Péril Jeune de Cédric Klapisch. Le grand film de mon adolescence. J’étais en seconde quand il est sorti. Ce film me faisait l’effet d’une grande nostalgie : comme la promesse d’une adolescence que je ne pourrais pas vivre... Pour l’anecdote, ce film m’a aidé à choisir mon orientation vers la filière littéraire. Plus tard, il y a eu Elephant. Avec ce film la question visuelle est apparue. Quand j’ai commencé la photo, je pensais beaucoup à Gus Van Sant.

3. Votre vie d’adulte ? 

J’ai eu une adolescence tardive alors j’ai envie d’ajouter des films de transition, ou des films qui ont forgé mon identité avant de me sentir pleinement adulte. Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Løve. Un film sur le chagrin d’amour, à la fois d’une grande tristesse et solaire. Je suis très émue par le personnage joué par Lola Créton, inconsolable malgré les années. Monika d’Ingmar Bergman, pour qui je vous une adoration. Je suis amoureuse du visage de Harriet Andersson. À nos amours de Pialat. La façon dont Sandrine Bonnaire incarne Suzanne, ses intonations, sa vérité, c’est magnifique. Enfin, Rohmer m’a beaucoup accompagnée. Bien sûr, j’ai été amoureuse de Melvil Poupaud dans Conte d’été. Mais surtout, j’ai adoré les dialogues de Rohmer, comme si AB production se mettait à la philo. C’est récité, c’est génial. Quatre Aventures de Reinette et Mirabelle, et Le Rayon vert avec cette pauvre Marie Rivière qui pleure tout le temps, sont mes préférés. Le côté très lo-fi de Rohmer a définitivement influencé mon travail. Son travail sur le décors m’influence sûrement. Plus récemment, j’ai été bouleversé par Saint Omer d’Alice Diop. C’est le grand film de ma vie d’adulte. 


Citez un film que vous associez à… :

Une musique : 

— Le Lauréat de Mike Nichols

Une couleur :

— Suspiria de Dario Argento


Un visage :

— Monika d’Ingmar Bergman
— Médée de Pier Paolo Pasolini. 

Une lumière :

— Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher

    Un objet :

— Les verres de bières dans Yourself and Yours d’Hong Sang-Soo. 

Que regardez-vous dans les films ?

C’est difficile cette question ! Je regarde les visages, la composition des plans. La manière dont le film est habité, comment les corps peuplent les plans. Plus loin, je regarde, j’essaie de voler quelque chose qui va nourrir mon travail de photographe. Ça se fait un peu tout seul, comme une passation. Sayat Nova de Sergueï Paradjanov ou certains films de Werner Herzog comme La Soufrière, Gasherbrum ou La Grande Extase du sculpteur sur bois Steiner me donnent beaucoup d’élan, même si mon univers est très loin de ça. Pasolini c’est fondamental. Surtout Médée et Oedipe Roi. Il nourrit beaucoup mon rapport à l’image. Ce que je cherche ou ce que je retiens dans les films : le sentiment qu’il fait naître chez moi. À nos amours, pour ma série Amour adolescente (chants d’amour) par exemple, est une référence absolue, même si ce n’est pas évident en soi.














Racontez-nous un souvenir de cinéma ?
J’ai un souvenir très fort d’avoir revu, seule au cinéma, Le Lauréat. J’étais enceinte de ma fille. J’ai pleuré de joie et d’émotion une bonne partie de ce film. Il a une grâce qui me touche beaucoup. Je me suis dit qu’il faudrait absolument que je le lui montre, comme un cadeau de beauté, quand elle serait grande.

Quels sont les films qui vous habitent ?

Ça dépend des périodes. Des films miroir à mes questionnements. Saint Omer, dans ce qu’il interroge de la maternité, m’a profondément remuée.

Dans quels films aimeriez-vous habiter ?

Les films de Mia Hansen-Løve ! Il y a une atmosphère qui me parle particulièrement dans ses films. Certes, ses motifs me touchent intimement. Mais je suis très sensible à la façon dont elle insuffle des sensations de vérité. Je pense, et c’est très bref, à la façon dont elle va filmer les feuilles et les branchages des arbres en contre-plongée. Elle autorise des sensations, une expérience réelle du temps. Une sorte de pleine conscience au cinéma. J’adore aussi comment elle parle de l’enfance.

Qu’est ce qui vous émeut au cinéma ?

Pleins de choses. Je pense à un moment complètement taré que seul le cinéma m’a fait vivre : un fou rire et une crise de larme de tristesse en même temps. C’est le monologue de Laure Calamy dans le premier film de Vincent Macaigne, Ce qu’il restera de nous. Je n’aime pas ce film, mais ce moment précis est dans mon panthéon cinématographique.

Qu’est ce qui vous amuse au cinéma ?

Mes deux films culte: Les Beaux Gosses et Supergrave. Aujourd’hui c’est l’autodérision de parents quarantenaires qui ont des gosses. J’aime beaucoup 40 ans mode d’emploi de Judd Apatow. J’adore la blague dans le film un peu nul Papa ou Maman de Martin Bourboulon quand Laurent Lafitte offre une pierrade à son fils. J’aime beaucoup aussi Victoria de Justine Triet. Je suis fan aussi de Woody Allen. Annie Hall est dans mon top.

Le cinéma laisse-t-il son empreinte sur votre travail ?

Oui, le cinéma nourrit beaucoup plus mon travail que la photographie ou la littérature. Mais dans une distance saine. Des films font naître en moi le désir de travailler. La scène de la naissance des agneaux dans Mektoub my Love a certainement été à l’origine de mon travail Pastorale, sur les bergers urbains. Ensuite j’ai vu Les saisons d’Artavazd Pelechian et j’ai compris que mon projet ne serait pas documentaire mais bien poétique, et qu’il fallait construire un langage autour de la pastorale qui me serait propre. Stromboli et Voyage en Italie ont initié mon travail sur le Vésuve. Aujourd’hui j’ai envie de filmer ma fille et ses amies, et j’ai en tête depuis des années le film D’amore si vive de Silvano Agosti. Mais je pense aussi à l’ouverture du film Les Merveilles d’Alice Rohrwacher, avec ces enfants partout. Pareil dans Heureux comme Lazzaro. Elle, en plus, j’ai envie de lui voler sa lumière. Parfois, j’aimerais prendre mes modèles dans les films. Dernièrement, j’ai été très impressionnée par The souvenir, et la présence magnifique de Honor Byrne dans ce décors hyper classe. J’aime aussi les films qui me donnent envie de photographier leurs personnages.  

Si vous faisiez du cinéma, ça ressemblerait à quoi ?

Je ne me verrai pas faire de la fiction. Alors du documentaire. Un film avec des enfants, des questions féministes, des enjeux de lutte.

Si vous deviez adapter une de vos images en film, laquelle choisiriez-vous ?

Aucune. Je n’arrive pas à penser du temps dans mes photos.

Est-ce que vos images vous ressemblent ?

Oui, mes images sont comme mon enfant : un élément étranger qui sort de moi et que je chéris. Je finis par m’y reconnaître après les découvrir.

Si on faisait un film sur vous ce serait un film sur quoi ?

Ce ne serait pas très intéressant... Par contre, si je pouvais devenir un personnage de cinéma j’aimerais beaucoup que ce soit dans le film Delphine et Carole, insoumuses de Callisto McNulty. J’aimerais bien faire partie de leur bande !




Pauline Hisbacq est une photographe née en 1980 qui vit et travaille entre Paris et Toulouse. Elle à co-fondé la maison d’édition September Books avec François Santerre en 2016. Elle a été sélectionnée pour la 6e édition de la commande publique Regards du Grand Paris avec le projet Pastorale. Son exposition La Fête et les cendres est visible du 25 mars au 20 mai 2023 à La Plate-Forme (Dunkerque). 

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