Questionnaire 

Olivier Kervern




Quels sont les films qui ont marqué votre enfance ?

Bizarrement c’est difficile de distinguer les films de mon enfance des films de mon adolescence. Je ne me souviens plus trop… Mais à cheval entre les deux clairement la série Alfred Hitchcock présente et les films avec Jerry Lewis, notamment celui qui court après des tondeuses à gazon carnivores ou un truc comme ça ! (L’Increvable Jerry, It’s Only Money, Frank Tashlin, 1962, ndlr)


Quels sont les films qui ont marqué votre adolescence ?

Donc même réponse en rajoutant le trauma de Robocop.

Quels sont les films qui ont marqué votre vie d’adulte ?

— A scene at the sea de Takeshi Kitano
— L’amie de mon amie d’Éric Rohmer
La Dolce Vita, Mama Roma.

Racontez-nous un souvenir de cinéma ?

Un été, j’avais 23 ans peut-être, et je suis allé voir India Song de Marguerite Duras au cinéma qui n'existe plus rue du faubourg du temple. Je suis un grand fan de certains livres de Duras et je voulais voir ses films. Je suis dans le cinéma, en juillet ou août, l'après-midi, et nous sommes peut-être 8 dans la salle. Deux sièges devant moi il y a un couple qui s’embrasse pendant tout le film. J’étais fou, je n’avais pas de copine, d'ailleurs j’étais peut-être au cinéma pour cette raison-là (influencé par la scène splendide dans le cinéma du roman Barrage contre le pacifique d'ailleurs) et ce couple, dans un cinéma vide s'embrasse devant moi... Le lendemain je suis aux Tuileries avec une amie et comme mes parents sont en vacances on organise une fête chez moi. Le soir, les gens viennent et une fille au prénom romanesque que j’ai oublié discute avec moi et je me rends compte que c'est la fille du cinéma… Terrible…

Que regardez-vous dans les films ?

C’est le problème, j’oublie de regarder et quand j’ai un sursaut je suis perdu dans le film car j’étais complètement ailleurs… Généralement je pense à mes problèmes…

Quels sont les films qui vous habitent ?

Mama Roma je crois, pour les plans de terrains vagues/campagnes avec les HLM posés dessus, comme ça, comme au milieu de rien… Et les gens doivent traverser des terrains vagues sans fin pour rentrer ou sortir de chez eux et arriver à la ville. Comme s’il y avait aussi le premier immeuble de la ville, ou le dernier. Et le fait que tout soit dépouillé, vide… Cela donne une grande place à une narration je trouve…

Dans quels films aimeriez-vous habiter ?

La dolce vita je crois. Ou Scene at the sea. Deux films complètement opposés.


Le cinéma laisse-t-il son empreinte sur votre travail ? À quel endroit pourrait-on en trouver la trace ?

Dans la narration, surtout en photographie, je veux dire la narration dans une image fixe… ainsi que le hors champ peut-être mais moindre.


Qu’est-ce qui différencie selon vous un bon plan de cinéma d’une bonne photographie ?

Je sais pas très bien mais j’ai rarement l’impression que le cinéma me donne une intuition du réel aussi forte que la photographie… Mais une bonne image si je puis dire serait une image de la réalité qui ne ressemble pas à la réalité, enfin à l'idée qu’on en a…

Si vos images se transformaient en film, ce serait quel genre de film ? Il ressemblerait à quoi, raconterait quoi ?

Ça ressemblerait à un film inabouti, avec beaucoup de problèmes à assumer ou pas le fait de faire ce film. Ça serait très chiant.

Si vous deviez adapter une de vos images en film, laquelle choisiriez-vous ?

Celle-ci, comme illustration de la réponse à la question « les films qui vous habitent ».


Un plan de cinéma pour finir ce questionnaire ?

Deux yakuza japonais en chemise hawaïenne en plan frontal demi pied sans aucune expression avant de se faire engueuler par Kitano. Ou encore Kitano, le jeune homme dans A scene at the sea quand il découvre la planche de surf dans une poubelle… pour info il est éboueur.
Olivier Kervern est un photographe né en 1977 à Fontainebleau. Il vient de publier le livre Fin D’Automne chez Soft copy. 

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