Questionnaire
Nolwenn Brod




Quels sont les films qui ont marqué...
1. Votre enfance
— Peau d’âne de Jacques Demy
— Les Temps Modernes de Charlie Chaplin
2. Votre adolescence
— Eternal sunshine of the Spotless mind de Michel Gondry
— Le voyage de Chihiro d’Hayao Miyazaki
— Matrix de Lana et Lilly Wachowski
3. Votre vie d’adulte
Impossible de tout citer...
— A Swedish Love Story de Roy Anderson
— Faust d’Alexandre Sokourov
— Le Retour d’Andrey Zvyagintsev
— Persona d’Ingmar Bergman
— Sátántangó de Béla Tarr
— Le Chant des oiseaux d’Albert Serra
— La Femme des sables de Teshigahara
— L’île nue de Kaneto Shindo
— Apocalypse Now de Francis Ford Coppola
— Down by law de Jarmush
— Les films du Décalogue de Krzysztof Kieślowski
— Leto de Kirill Serebrennikov.
— Un pays en flammes de Mona Convert
— Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog
Enfant, qui vous montrait des films, comment avez-vous eu accès au cinéma ?
Je regardais les films du soir avec ma mère et j’allais au cinéma avec elle. Elle allait voir des films d’adultes et me laissait dans une autre salle avec une copine, c’était du cinéma grand public. Je me souviens très bien de Titanic de James Cameron, Le 5ème élément de Luc Besson, de Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick qui nous avait mis le rouge aux joues. J’ai découvert le cinéma d’auteur assez tard, à 20 ans quand je suis arrivée à Paris pour continuer mes études de photographie. Deux amis dans ma classe étaient passionnés de cinéma et je suis allée en voir quelques-uns dans les cinémas du quartier latin. Quelques mois après je suis sortie avec un homme de 20 ans mon aîné, une longue histoire de 14 ans, et c’est durant cette période que j’ai vu beaucoup de choses, plusieurs films d’auteurs par semaine, parfois par jour, j’ai découvert beaucoup de musique aussi. Aujourd’hui je regarde toujours des films mais beaucoup moins. Par ailleurs, je vais voir beaucoup de danse contemporaine. Les prochains films que je visionnerai seront probablement pour travailler sur mon projet de moyen-métrage de fiction.
Comment choisissez-vous les films que vous regardez ?
Je lis des critiques dans Libération et sur les réseaux, notamment celles d’Emmanuel Burdeau.
Racontez-nous un souvenir de cinéma.
La rencontre récente d’Albert Serra pour Désordres. J’ai découvert ses films à Tanger, premier voyage seul à 20 ans pour un projet photographique sur les mères célibataires. Je venais de rencontrer Yto Barrada, et la sélection de la Quinzaine des réalisateurs était projetée à la Cinémathèque. J’ai vu Le Chant des oiseaux, et depuis, je suis une inconditionnelle du cinéma d’Albert Serra. Alors le rencontrer, l’interviewer et le photographier, c’était très fort pour moi.
Parlez-nous d’un moment de cinéma qui vous hante.
C’est un moment qui me revient souvent, mais je ne me souviens pas du nom du film, c’est peut-être dans Suspiria de Dario Argento : le personnage principal (j’ai le visage de David Hemmings en tête mais ce n’est pas lui) emprunte un grand escalier d’une maison bourgeoise et la musique des Goblins qui est très forte, s’arrête subitement, le personnage se retourne face caméra.
Parlez-nous d’un film dont le rapport au temps vous fascine.
Tous les films de Belà Tarr ont un rapport au temps particulier, de l’ordre de l’entropie, c’est très proche du rythme de la vie. Ce sont des plans séquences très longs et lents. Et dans un autre genre je pense aussi à Christopher Nolan avec Memory, Inception, Tenet.
Parlez-nous d’un film dont le rapport à la matière vous fascine.
Peut-être Leviathan de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel, filmé avec plusieurs go-pro sur un bateau de pêche en pleine mer. On est au cœur des marins, collés aux filets remplis de poissons, de la mer déchaînée.
Parlez-nous d’un film que vous aimez pour ses images et son récit :
An elephant sitting still de Hu Bo. Un film qui sonde les paramètres existentiels du mal de vivre, roman social de la Chine contemporaine.
Citez des films que vous associez…
À une musique :
— Barry Lyndon de Stanley Kubrick, le trio opus 100 de Schubert.
À un visage :
— Liv Ullmann dans Persona de Bergman ou Marlon Brando dans Un Tramway nommé Désir d’Elia Kazan.
À une couleur :
— Le bleu-vert d’Un monde gloire de Roy Anderson
À une lumière :
— L’heure bleue de Passe-Montagne de Jean-François Stevenin.
À un lieu :
— Les galeries souteraines romaines pleines de fresques magnifiques qui disparaissent avec l’acidité de l’air dans dans Roma de Fellini.
À un son :
— Ce qui me vient à l’esprit c’est son strident insoutenable de la pièce Go Down, Moses de Romeo Castellucci... Si elle avait été filmée donc.
À un vêtement :
— La tenue couleur parme de Pierre Clémenti en soldat dans La Porcherie de Pasolini, on dirait une création d’Issey Miyake.
À un objet :
— Le verre de thé rouge rempli à ras bord dans Le Décalogue 2, tu ne commettras point de parjure de Kieslowski.
Au silence :
— Honor de Cavalleria d’Albert Serra
Au confort :
— Sonate d’Automne d’Ingmar Bergmanau
Au désordre :
— Turkish Delight de Paul Verhoeven
Aux fantômes :
— A Ghost Story que je n’avais pas du tout aimé mais je suis restée interloquée par le monologue métaphysique de Will Oldham alias Bonnie Prince Billie.
Trois mots que vous associez au cinéma :
Image, temps, mouvement.
Trois noms que vous associez au cinéma : Bergman, Tarr, Fellini.
Que regardez-vous dans les films ?
Les visages, les postures, la composition. Idéalement j’aimerais pouvoir regarder le film en deux fois. Une première fois pour l’image, prendre le temps d’observer les corps, les lieux, et une deuxième fois pour les dialogues et le son.
Qu’est-ce qui vous émeut au cinéma ?
Quand un visage filmé plus ou moins longtemps change d’expression de manière imperceptible. Le visage de Nicole Kidman dans Birth de Jonathan Glazer par exemple.
Quels sont les paysages de cinéma que vous rêveriez d’explorer ?
Les paysages des films d’anticipation sont assez fascinants, ceux de Blade Runner de Ridley Scott par exemple ou de Dune de Denis Villeneuve et Bienvenue à Gattaca d’Andrew Nicol
Ce serait quoi pour vous « la magie du cinéma » ou la magie AU cinéma ?
Les plans-séquences.
Quel cliché vous plaît secrètement au cinéma ?
Les baisers.
Qu’est-ce que vous faites quand vous vous ennuyez devant un film ?
Je m’ennuie rarement, sinon je me repose car je n’ose pas sortir de la salle et déranger les autres.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
J’ai un faible pour les personnes seules qui dansent. Denis Lavant qui danse dans la discothèque dans le film Beau Travail de Claire Denis a été déclencheur.
Décrivez en quelques mots un film auquel vous rêvez.
Je rêve que mon moyen-métrage de fiction se réalise ! Il s’agit du meurtre d’un cheval, de la suspicion des coupables dans le village, d’une relation père-fille douteuse.
Quels films auriez-vous aimé réaliser ?
Les rois mages d’Albert Serra, ou plutôt, c’est lui qui m’a donné envie de faire du cinéma.
À votre avis pourquoi le cinéma est-il un art si populaire ?
C’est l’accès à la culture qui reste encore abordable et où les gens s’évadent, se connectent autrement à leurs émotions.
Quelles sont les sensations que vous procure le cinéma et que vous ne trouvez pas ailleurs ?
Tout ce que j’aime est réuni comme un feu d’artifices infini : les visages, les corps, les paysages, le son, la musique le, mouvement, le temps... toute la vie concentrée.
Avec quelles autres pratiques artistiques votre travail dialogue-t-il le plus ?
Je me dis souvent que j’aurais aimé être peintre mais je n’ai pas la patience. Certains me disent que mon travail est cinématographique, je ne le perçois pas étant donné que je cadre essentiellement en vertical. Je commence à apprendre la gravure (l’héliogravure) car certaines de mes images s’y prêtent.
Si on faisait un film sur vous ce serait un film sur quoi ?
Je suis très pudique donc ça serait peut-être un film avec des plans de moi en train de photographier les êtres et les choses filmés de très loin. Je peux passer plusieurs heures dans une friche ou à tourner autour d’un visage. Un peu comme un film sur un peintre figuratif et son sujet.
Est-ce que vos images vous ressemblent ?
Probablement un peu oui, disons que si je photographie c’est souvent que je «reconnais» quelqu’un ou quelque chose, cela fait écho en moi.
Citez...
Un film qui vous fait peur.
— Requiem pour un massacre d’Elem Klimov, qui ne m’a pas fait peur mais qui est un film glaçant sur les tueries de civils perpétrées en Biélorussie par les nazis, à travers les yeux d’un enfant. Je me suis souvent demandé ce que ce gamin était devenu après le tournage.
Un film qui vous fait rire :
— Lune Froide de et avec Patrick Bouchitey
— Le goût des autres d’Agnès Jaoui
Un film qui vous fait pleurer.
Je pleure facilement au cinéma ! pour n’en citer qu’un je dirais :
— Breaking the Waves de Lars Von Trier
Un film dans le quel il fait bon se perdre.
— Sátántangó de Béla Tarr
— Huit et demi de Federico Fellini
Un film sur-estimé.
— Titane de Julia Ducourneau (j’avais cependant beaucoup aimé Grave).
Un film sous-estimé.
— Passe-Montagne de Jean Francois Stevenin
Un film que vous aimez pour son ouverture (ou dont vous aimez particulièrement l’ouverture).
— Le cheval de Turin de Béla Tarr
Un film que vous aimez pour sa fin (ou dont vous aimez particulièrement la fin).
— Inception de Christopher Nolan
C’est une photographie phénoménologique que Nolwenn Brod construit, de celle qui place au cœur du processus
créatif, l’expérience de la rencontre. Il est souvent question de collisions de visions et de pensée, sa photographie est
profondément ancrée dans un monde de sensations idiosyncrasiques et de souvenirs personnels. Guidée par le hasard,
qu’André Breton décrivait comme «la rencontre d’une causalité externe et une finalité interne» qui donne une impres-
sion singulière et la sensation d’être le témoin privilégié de situations inopinées et donc de vouloir les transformer en
image. Chaque nouvelle série fore une même veine d’interrogations fondamentales qu’il s’agisse d’humains, d’animaux
ou de paysages. Son travail est souvent nourri de compagnonnages littéraires notamment Gombrowicz, pour Le Temps
de l’Immaturité en Pologne et en Argentine, Tanguy Viel et Jean Luc Nancy inspirent Les Hautes Solitudes à Brest ;
Gilles Deleuze pour la série La Ritournelle.
Son travail est représenté par l’agence et la galerie Vu’ à Paris.
Ses oeuvres figurent parmi les collections de la Bnf, la Collection Agnès b., la Villa Noailles, le Musée de Bretagne, Neuflize OBC et différentes artothèques.
︎︎︎ Nolwenn Brod
Son travail est représenté par l’agence et la galerie Vu’ à Paris.
Ses oeuvres figurent parmi les collections de la Bnf, la Collection Agnès b., la Villa Noailles, le Musée de Bretagne, Neuflize OBC et différentes artothèques.
︎︎︎ Nolwenn Brod