Questionnaire
Maurane Leder
Quels sont les films qui ont marqué...
1. Votre enfance ?
— Azur et Asmar de Michel Ocelot. Un film que j’ai regardé un nombre incalculable de fois, tant pour la beauté de ses personnages que pour la poésie qui s’en dégage. J’ai en tête la chanson de la nourrice et toutes ces couleurs magnifiques.
— Peter Pan de Paul John Hogan. J’étais follement amoureuse de l’acteur qui joue Peter Pan et terriblement jalouse de Wendy.
— Mon voisin Totoro d’Hayao Miyazaki. Je voulais habiter cette maison de campagne fabuleuse et ces paysages verdoyants. Ce film met en lumière l'imaginaire et le désir d'aventure propres à l'enfance. Moi qui ai vécu à la campagne, ça m’a beaucoup parlé.
— Le secret de Terabithia de Gábor Csupó. Enfant, j’étais fascinée par les créatures fantastiques, à tel point que j’étais persuadée que si j'écrasais une fleur, une fée mourrait. J’ai voulu le revoir après m’en être rappelée, j’avais oublié que c’était un film triste qui aborde des sujets assez graves liés à l’enfance.
— Ratatouille de Brad Bird. Un des films que j’ai le plus vus enfant, j’aime absolument tout dedans.
2. Votre adolescence ?
— Le Secret de Brokeback Mountain d’Ang Lee. J’ai voulu le regarder par curiosité, j’avais entendu plusieurs fois ce titre qu’on évoquait avec mépris ou dérision. J’ai trouvé que c’était un film très poignant. C’était la pemière fois que je pleurais autant devant un film, j’y ai beaucoup pensé les jours qui ont suivi.
— Funny Games de Michael Haneke. Je l’ai regardé pendant une soirée avec des amies, sans savoir de quoi il s’agissait. On n'a pas été déçues...
— Moulin Rouge de Baz Luhrmann. Fan d’histoires d’amour que je suis, j’ai facilement plongé dans cette histoire dramatique et extravagante.
— Birth de Jonathan Glazer. C’est un film qui m’a troublée. Je ne sais plus comment je l’ai découvert, mais j’ai été marquée par la profondeur émotionnelle des personnages. C’est un film tordu qui évoque la perte, l'obsession, et l’identité.
3. Votre vie d’adulte ?
— Still the Water de Naomi Kawase. J'ai trouvé les thèmes de ce film tellement universels et troublants de vérité. C’est une vraie méditation poétique sur la vie et la transition vers l'âge adulte. J’ai été très émue devant la beauté de ce film.
— La leçon de Piano de Jane Campion. C’est un film qu’on adore avec ma mère, c’est elle qui me l’a fait découvrir. Je trouve fascinant la beauté des gestes et le toucher qui est très présent dans ce film, je pense qu’il a eu une certaine influence dans mon travail.
— American Beauty de Sam Mendes. Un film que j’ai conseillé à beaucoup de personnes.
— J’ai dernièrement découvert The Power of the Dog de Jane Campion, que j’ai beaucoup aimé comme tous ses autres films. Tous ses personnages sont incroyables.
Comment choisissez-vous les films que vous regardez ?
Je trouve que l'image et le titre d'un film peuvent avoir un impact significatif. J'apprécie particulièrement de découvrir les influences des réalisateurs que j'admire et avec lesquels je partage une sensibilité similaire. J’apprécie me laisser emporter par un film sans avoir trop d'attentes, ce qui signifie souvent que je m'abstiens de lire les synopsis ou de regarder les bandes-annonces. J’ai tout de même un faible pour le cinéma assez contemplatif, souvent dramatique qui explore des émotions humaines fortes, ce sont souvent les films dont je me souviens le mieux. Parfois le choix d’un film peut être déterminé par un acteur ou une actrice que je veux découvrir sous différents aspects.
Parlez-nous, en quelques mots, d’un lieu lié au cinéma qui vous est cher.
Dernièrement, je me suis liée d'une forte amitié avec un couple d'amis. Cet hiver, on s’est retrouvés à plusieurs reprises dans l'appartement de l'un d'entre eux. Comme une sorte de rituel, on partage un bon repas puis on se glisse sous la couette pour regarder un film projeté sur le mur de sa chambre. J’ai eu l’impression de retrouver le plaisir enfantin de ne pas regarder l’heure et de me laisser absorber par des films et des séries jusqu’à pas d’heure.
Citez un film que vous associez...
À une musique :
— La Leçon de Piano de Jane Campion. Je ne peux pas m'empêcher de le citer à nouveau...
À une couleur :
— In the Mood for Love de Wong Kar Wai. Si je pouvais vivre dans un monde de couleurs ce serait celui-ci. Une sensualité et des plans qui ont beaucoup influencé mon travail.
À un visage :
— Shining de Stanley Kubrick : le visage terrifiant de Jack Nickolson m’est resté. Un classique que j’ai regardé assez tardivement mais qui est juste fantastique et qui m’a angoissé tout du long.
— Le visage de J.K. Simmons dans Whiplash de Damien Chazelle.
À une lumière :
— Moonlight de Barry JenkinsÀ un lieu :
— Les Proies de Sofia Coppola : la maison.À un son :
— La Zone d'intérêt de Jonathan Glazer : le son terrifiant et glaçant de toute l’horreur qui n’est pas montrée.
À un vêtement :
— La Piscine de Jacques Deray : les robes de Romy.
— Les robes à motifs toutes sublimes dans In the Mood for Love de Wong Kar Wai.
À un objet :
— Les jumelles dans Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock.
Au silence :
— Perfect Days de Win Wenders
À une forme :
— Premier Contact de Denis Villeneuve : le vaisseau
Au désordre :
— Mother! de Darren Aronofsky
Parlez-nous d’un film dont le rapport au temps vous fascine.
Peut être est-ce une réponse trop facile, mais le seul film auquel j’ai pensé pour répondre à cette question est Melancholia de Lars Von Trier. J’ai le souvenir d’avoir trouvé ce film terriblement long et angoissant. On accompagne et on attend la catastrophe avec les personnages.
Que regardez-vous dans les films ?
Dans les films, je suis attirée par les couleurs, les gestes et les compositions. J'observe attentivement la façon dont les corps prennent place dans le cadre, ainsi que la lumière et les couleurs qui peuvent révéler des humeurs, une mélancolie, ou créer des ambiances qui m'immergent dans le ton du film. D'une manière générale, j'aime contempler et observer les personnages. J'éprouve un malin plaisir à les observer, sans être vue. J’apprécie tout particulièrement quand un film laisse le temps de comprendre un personnage et ses émotions, d'être au plus près de ce qu'il ressent.
Qu’est-ce qui vous émeut au cinéma ?
Beaucoup de choses peuvent m’émouvoir au cinéma : la solitude, l'absence, la mort, ainsi que l'amour, qu'il soit heureux ou malheureux. Les retrouvailles, les liens forts entre les êtres humains. J’allais oublier, il y a aussi les animaux qui meurent dans les films, ça, ça m'a à tous les coups.
Décrivez une maison de film que vous aimeriez habiter.
Je ne sais pas si j’aimerais y habiter, mais au moins l’explorer ça c’est sûr : la maison dans Mademoiselle de Park Chan-wook. C’est un mélange fascinant d'architecture anglaise et japonaise. Malgré son rôle de prison dans le film, j'aimerais explorer tous ses recoins et son vaste jardin. Ce qui m'a particulièrement marquée, c'est la bibliothèque qui sert de salle de lecture dans le film, un espace vraiment sublime et captivant.
Quels sont les paysages de cinéma que vous rêveriez d’explorer ?
J’aimerais passer des vacances dans les villages et paysages italiens de Call Me by Your Name de Luca Guadagnino.
Le cinéma laisse-t-il son empreinte sur votre travail ?
Je m'en suis rendu compte assez tardivement, mais oui, je pense que mon travail de peinture s'imprègne du cinéma. Cela se manifeste par ma façon de cadrer mes toiles et mes sujets, mais aussi d’utiliser le hors-champ. J’aime mettre l'accent sur une posture ou un geste plein de sens qui peut être interprété de diverses manières. Je dis souvent que je mets en scène le regard. Je me questionne sur la façon dont cela implique à la fois les personnages peints mais aussi le spectateur qui active la toile. Le cinéma m’inspire dans les ambiances immersives qu’il peut procurer. J’ai tendance à peindre des tableaux dans des ambiances colorées et lumineuses qui sont des outils de compréhension et de sensation. L'idée même de la contemplation est quelque chose que j’apprécie dans le cinéma et que je retrouve d’une autre manière en peinture.
Si vous faisiez du cinéma, ça ressemblerait à quoi ?
Ce serait un mélange de beaucoup de choses : un film contemplatif, avec de l'amour, de l'amitié, et des scènes de la vie quotidienne, baigné de lumière. Il y aurait beaucoup de nature, le bruit des vagues, de la sensualité et du calme, loin de l'agitation. On y entendrait ma sœur jouer du piano, et des musiques que j'aime particulièrement.
Quelles sont les sensations que vous procure le cinéma et que vous ne trouvez pas
ailleurs ?
Le cinéma m'offre une immersion totale. Comme avec la lecture parfois, le temps cesse d'exister, on oublie tout pour vivre pleinement et intensément ce que l'on regarde. C'est un échappatoire mais aussi un moyen de partage profond avec ceux avec qui on regarde un film.
Et inversement : que trouvez-vous ailleurs que vous ne trouvez pas dans le cinéma ?
Le toucher et le rapport à la matière. Si la peinture n'existait pas, je ferais peut-être des films ou de la photographie. Mais j'apprécie trop le contact physique avec les objets et la toile pour cela.
Si on faisait un film sur vous ce serait un film sur quoi ?
Ce serait un film joyeux. Il parlerait de ce qui lie les êtres entre eux et du bonheur simple. Il y aurait du soleil, de la chaleur, et un peu de mélancolie. On y verrait la mer, et des paysages de campagne d’où je viens. Il y aurait de l’amour, beaucoup d’amour. J'aimerais que ce soit un film qui fasse du bien aux gens, plein d’espoir.
Est-ce que vos peintures vous ressemblent ?
Oui, je l'espère. J'essaie de créer des peintures sincères.
À votre avis, pourquoi le cinéma est-il un art si populaire ?
Je pense que le cinéma est un art populaire parce qu'il a la capacité de toucher un large public à travers des histoires accessibles à tous. C’est un art qui stimule presque tous nos sens pour communiquer de manière universelle, qui casse les barrières qu’il peut y avoir entre les humains. Mais je pense que c’est aussi lié à l’expérience collective, qui permet aux gens de partager des émotions et des réflexions ensemble.
Née à Aurillac en 1999, Maurane Leder est une artiste peintre qui vit et travaille à Toulouse. Diplômée de
l’ISDAT en 2022, Maurane a depuis exposé au Lieu-Commun à Toulouse (2022), à la Nouvelle Galerie dans le
Gers (2023), à la Biennale de la jeune création contemporaine de Mulhouse (2023), et a participé à la
résidence La Caravane Passe organisée par PAHLM à Cazères (2023). Maurane expose actuellement en duo
à la Galerie 3.1 du Conseil départemental de la Haute-Garonne (2024).
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