Questionnaire 

Lisa Carpagnano



Quels sont les films qui ont marqué...
    1. Votre enfance ?


— Beetlejuice
de Tim Burton
Les Indiana Jones, les Jurassic Park et Intelligence Artificielle de Steven Spielberg
— Matilda
de Danny DeVito
— Microcosmos : Le Peuple de l'herbe
de Claude Nuridsany Marie Pérennou
— Peter Pan
de Walt Disney
— Princesse Mononoke
de Hayao Miyazaki

2. Votre adolescence ?

— Carrie de Brian De Palma
— La vie est belle
de Roberto Benigni
— Le péril jeune
de Cédric Klapish
— Les beaux gosses
de Riad Sattouf
— Killer Joe
de William Friedkin
— Gummo
de Harmony Korine

3. Votre vie d’adulte

— 4 mois, trois semaines, deux jours de Cristian Mungiu
— À nos amours
de Maurice Pialat
— Revenge
de Coralie Fargeat
— Julie en 12 chapitres
de Joachim Trier
— Funny Game
de Michael Haneke
— Le silence des agneaux
de Jonathan Demme
— Le traître
de Marco Bellochio
— Bianca
de Nanni Moretti
— Perfect blue
de Satoshi Kon

Enfant, qui vous montrait des films, comment avez-vous eu accès au cinéma ?

Comme beaucoup d’enfants des années 90, mes parents achetaient et louaient des DVD, c’était la plupart du temps des films qu’ils connaissaient déjà et qu’ils nous faisaient découvrir à mon frère et moi. Plus tard on a eu un disque dur rempli d’une longue liste de films, que je choisissais de regarder selon si leur titre m’inspirait ou non. À l’adolescence j’ai commencé à choisir mes films, avec une appétence pour les teen-movies et les films d’horreur qui me suit encore aujourd’hui.


Comment avez-vous accès au cinéma aujourd’hui ?

Je vais souvent au cinéma et j’ai une liste de films à voir qui s’étoffe au fil des émissions que j’écoute, des conseils des amis, des références d’artistes que j’apprécie. Quand je m’intéresse à un sujet ou à une histoire, j’aime bien tisser des liens et lire et regarder tout ce qui l’a inspiré ou ce qui s’y est plus tard référé. C’est la même chose avec les acteur•ice•s, quand le jeu de quelqu’un me plaît j’ai souvent envie de regarder tout ce dans quoi iel a pu jouer.

Montrez-vous des films aux autres ?

Oui souvent ! Je montre à mon copain des films d’horreur et des films français, en échange il me fait découvrir des films de gangsters et il m’a initiée à l’Étrange Festival (un festival de cinéma de genre qui a lieu chaque année au Forum des images à Paris). J’ai aussi fait une liste de films d’horreur pour mes amis qui n’en regardent pas d’habitude.

Citez un film que vous associez… 

À une musique : 

— Au delà des montagnes de Jia Zhanjke :  la chanson Go West dans la scène de danse. 
— Handmaiden
de Park Chan-wook : toute la BO que je trouve magnifique.
— Funny Games
de Michael Haneke : le morceau de hard rock que seul le spectateur entend et qui vient troubler la quiétude de la scène d’ouverture et préfigure le reste du film.

À une couleur :

— In the mood for love de Wong Kar-wai : le mélange du rouge et du vert. 

À un visage :

Carrie de De Palma : le visage épouvanté et les yeux écarquillés de Sissy Spacek dans la scène du bal.

À une lumière : 

— Onoda 10 000 nuits dans la jungle de Arthur Harari

À un lieu :

—  The Lighthouse de Robert Eggers

À un objet :

— Juno de Jason Reitman : pour le bidon de Sunny D que Juno (Elliot Page) boit alors qu’elle enchaîne les tests de grossesse.
— Beijing Bicycle
de Wang Xiaoshuai : pour le vélo perdu


À un vêtement : 

— Buffalo 66 de Vincent Gallo : pour la tenue et le maquillage de Layla (Christina Ricci).

À un son : 

— Titane de Julia Ducourneau : pour le son que fait le nez d’Alexia (Agathe Rousselle) quand elle se le casse contre un lavabo.

À un mouvement :

— Le charme discret de la bourgeoisie de Luis Bunuel : pour la main qui sort de sous la table pour attraper une tranche de rosbeef pendant la scène de fusillade
— Les beaux gosses
de Riad Sattouf : pour la scène de roulage de pelle en ouverture

Au silence :

— Le mépris de Jean-Luc Godard : pour les derniers mots du film et le silence par lequel Camille (Brigitte Bardot) répond à l’insistance de Paul (Michel Piccholi).

Au désordre :

— Memories of murder de Bong Joon Ho

Au confort  : 

— Lady Bird de Greta Gerwig

Qu’est-ce qui est cinégénique à vos yeux ?

L’adolescence.

Racontez-nous un souvenir de cinéma.
Je suis très vite émue au cinéma, mais je n’ai pas versé une larme quand j’ai vu Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda, pourtant la fin est particulièrement triste. Ce n’est que 5 ou 10 minutes après être sortie de la projection que j’ai finalement pleuré, comme s’il n’y avait eu dans le film aucun ressort « tire-larme » et qu’il avait fallu à mon cerveau le temps de digérer et de s’approprier ce que je venais de voir pour enfin réagir. Cette émotion non-immédiate m’a semblé beaucoup plus forte et réelle que des larmes « réflexes », ça m’a fait aimer le film d’autant plus.

Que regardez-vous dans les films ?
J’aime bien me laisser porter sans trop en analyser les images et y revenir plus tard si le film m’a plu. En revanche j’écoute beaucoup : depuis que j’ai entendu une émission sur les effets sonores au cinéma je passe mon temps à me demander comment tel bruitage est réalisé, qu’est-ce qu’il ajoute à la scène, à l’ambiance générale du film…

Qu’est-ce qui vous émeut au cinéma ?

Tout fonctionne sur moi, les enfants qui pleurent, les situations d’injustice, les ruptures… La première larme dont je me souviens est pour Pépino à la fin des Choristes, mais mes plus gros sanglots ont été pour la terrible fin du film Divines de Houda Benyamina.

Qu’est-ce qui vous impressionne au cinéma ?

Les dialogues lorsqu’ils sont bien écrits et interprétés (je pense par exemple à la scène de la dispute dans Anatomie d’une chute de Justine Triet).

Qu’est-ce qui vous amuse au cinéma ?

Les personnages qui sont à la fois un peu pathétiques et un peu méchants. J’ai beaucoup ri devant La femme de mon frère de Monia Chokri.

Qu’est ce qui vous effraie au cinéma ?

Les films d’horreur lorsqu’ils sont étranges et qu’on en voit les coutures, comme Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper ou Les révoltés de l’an 2000. de Narciso Ibáñez Serrador. 

Quels sont les films qui vous habitent ?

The Souvenir - Part I de Joanna Hogg. Je l’ai vu il y a un an et j’y repense très souvent mais je n’ai toujours pas regardé la deuxième partie.

Dans quels films aimeriez-vous habiter ?

Bianca de Nani Moretti


Quel cliché vous plaît secrètement au cinéma ?

Tous les rouages de films d’ados ou de films d’horreur, que j’ai déjà vu mille fois mais que je prends toujours plaisir à retrouver.

Qu’est-ce que vous faites quand vous vous ennuyez devant un film ?

Je m’endors.

Le cinéma laisse-t-il son empreinte sur votre travail ? 

Oui beaucoup. Lorsque je réfléchis à un sujet de dessin, il y a toujours des souvenirs de cinéma qui me reviennent, des scènes que j’ai envie de revoir, des ambiances colorées qui sont une genèse aux couleurs que je vais choisir, des cadrages dont je m’inspire pour construire mon dessin.

Si vous faisiez du cinéma, ça ressemblerait à quoi ?

Inévitablement un film ensoleillé, avec beaucoup de rose.

Quelles sont les sensations que vous procure le cinéma que vous ne trouvez pas ailleurs ?

Plus que le cinéma en lui-même, la salle de cinéma est le seul endroit où j’arrive à me couper complètement du monde et à ne plus penser à rien. Ça m’est souvent arrivé d’aller voir un film au hasard, juste pour me changer les idées, avec parfois des belles surprises.

Et inversement : que trouvez-vous ailleurs que vous ne trouvez pas dans le cinéma ?

La lecture oblige à imaginer les personnages, les lieux, à les peindre et à leur donner vie dans sa tête. Lorsque je lis il y a parfois des scènes que je me représente très nettement et auxquelles j’ajoute mes propres détails, ou des personnages qui m’inspirent et que je peux me représenter librement. C’est souvent des points de départ que j’utilise ensuite dans mon travail.

Vous arrive-t-il de dessiner pendant ou après les films ?

Jamais pendant, j’en serais bien incapable ! Mais j’ai souvent des idées ou des envies de dessins qui naissent pendant un visionnage ou lorsque j’y repense avant de dormir.

Avec quelles autres pratiques artistiques votre travail dialogue-t-il le plus ?

La littérature et la photographie.

Est-ce que votre travail vous ressemble ?

Oui.

Si on faisait un film sur vous ce serait un film sur quoi ?

Ce serait sûrement un film du quotidien, sur la déprime lente de l’hiver et le sentiment de renaissance au printemps, habité par des personnages qui ressembleraient à mes copines.
Je m’appelle Lisa Carpagnano, je suis née en 1994 et je vis à Rennes. Après mes études à l’École Estienne à Paris, j’ai travaillé en tant que graphiste indépendante pendant 6 ans. Au retour d’un voyage de plusieurs mois au Japon en 2023, j’ai finalement mis de côté le graphisme pour me consacrer à l’illustration. Je travaille au crayon de couleur et réalise des compositions narratives. Je suis aujourd’hui représentée par l’agence Valérie Oualid.

︎︎︎ Lisa Carpagnano