Questionnaire 

Jochen Gerner




Quels sont les films qui ont marqué...
    1. Votre enfance ?

Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse (1956)
Mon oncle de Jacques Tati (1958)
—  Dersou Ouzala de Akira Kurosawa (1975).

2. Votre adolescence

— Andreï Roublev d’Andreï Tarkovski (1969)
Alien, le huitième passager de Ridley Scott (1979)
Zelig de Woody Allen (1983).

3. Votre vie d’adulte

L’ensemble des films de Buster Keaton, Yasujiro Ozu, Alfred Hitchcock et Jean-Pierre Melville.

Racontez-nous un souvenir de cinéma.

Je me souviens, enfant, avoir vu plusieurs fois L’Homme de Rio de Philippe de Broca (1964), dans le salon d’un artiste peintre du sud de la France, chez mes parents puis, adulte, en le visionnant dans mon atelier, à l’occasion de la préparation d’une résidence au Brésil. Dans la ville de Brasilia, j’ai parcouru l’ensemble des sites du tournage puis réalisé un récit dessiné comparant les vues d’époque et le contexte actuel. À l’occasion de la visite des bâtiments historiques de la ville, je signais les livres d’or du nom d’Adrien Dufourquet, personnage incarné par Jean-Paul Belmondo dans ce film.

Que regardez-vous dans les films ?

Les arrière-plans, les détails insignifiants, les fins de plan, les personnages qui écoutent celui qui parle au premier plan.

Trois mots que vous associez au cinéma ?

Fiction, cadrage, montage.

Citez :

Un film confortable 

—  Le Tigre du Bengale de Fritz Lang (1959).

Un film qui vous fait peur.

— 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968).

Un film qui vous fait rire.

—  Meurtre mystérieux à Manhattan de Woody Allen (1993).

Un film qui vous fait pleurer.

—  Bouge pas, meurs, ressuscite de Vitali Kanevski (1990).

Un film dans lequel il fait bon se perdre…

— Stromboli de Roberto Rossellini (1950).


Citez un film que vous associez… 

À une musique : 

— Le Troisième Homme de Carol Reed (1948) : la mélodie à la cithare d’Anton Karas.

À une couleur :

— Mais qui a tué Harry ? d’Alfred Hitchcock (1955) : le jaune des feuilles mortes.

À un visage :

Au hasard Balthazar de Robert Bresson (1966) : le visage de Marie (Anne Wiazemsky).

À une lumière : 

— Dernier Caprice de Yasujiro Ozu (1961) : les néons clignotants.

À un lieu :

— Casque d’or de Jacques Becker (1952) : la rue des Cascades (Paris, 20e).

À un objet :

— Blow-up de Michelangelo Antonioni (1966) : la loupe.

À un son : 

— La Féline de Jacques Tourneur (1942) : les pas dans la nuit.

Au silence :

— L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat de Louis Lumière (1896).

Au désordre :

— La Party de Blake Edwards (1968).

Qu’est-ce qui vous émeut au cinéma ?

Un visage.

Qu’est-ce qui vous impressionne au cinéma ?

Les reconstitutions urbaines.

Qu’est-ce qui vous amuse au cinéma ?

Les répliques parfaites.

Quels sont les films qui vous habitent ?

Les films radicaux.

Dans quels films aimeriez-vous habiter ?

Les films d’Ozu.

Quels sont les paysages de cinéma que vous rêveriez d’explorer ?

Les zones urbaines des films de Buster Keaton.

Quel cliché vous agace terriblement au cinéma ?

Le travelling sur une route pointant l’horizon.

Quel cliché vous plaît secrètement au cinéma ?

Un plan fixe - extérieur jour ou nuit - sur une maison.

Qu’est ce que vous faites quand vous vous ennuyez devant un film ?

Je m’endors.

Ce serait quoi pour vous « la magie du cinéma » ou la magie AU cinéma ?

L’incompréhensible et le surprenant.

À votre avis pourquoi le cinéma est-il un art si populaire ?

La fabrication et la reconstitution du réel sont à l’origine de sa popularité.

Qu’est ce qui est cinégénique à vos yeux ?

Un visage, une architecture, un paysage.

Le cinéma laisse-t-il son empreinte sur votre travail ? 

Oui, dans la mesure où les images constituent mon sujet d’étude. J’ai plusieurs fois réalisé des récits dessinés étudiant la structure de certains films : Barbe noire le pirate de Raoul Walsh (1952), L’Homme de Rio de Philippe de Broca (1964)... J’ai dans mes projets futurs l’envie de réaliser une bande dessinée d’après un film néoréaliste italien, ou comment parler d’un film sans en restituer un double narratif.

Si vous faisiez du cinéma, ça ressemblerait à quoi ?

À une expérimentation radicale, j’espère.

Quels films auriez-vous aimé réaliser ?

— The Clock de Christian Marclay (2010, — 24 Hour Psycho de Douglas Gordon (1993)
Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais (2019)


Quelles sont les sensations que vous procure le cinéma et que vous ne trouvez pas ailleurs ?

La combinaison de l’image, du mouvement et du temps, dans une projection lumineuse, semble constituer la singularité du cinéma.

Et inversement : que trouvez-vous ailleurs que vous ne trouvez pas dans le cinéma ?

La vitesse de lecture choisie dans le regard porté sur une bande dessinée.

Avec quelle autre pratique artistique votre travail dialogue-t-il le plus ?

La littérature.

Si on faisait un film sur vous ce serait un film sur quoi ?

Sur la disparition des images.

Jochen Gerner est un artiste français né en 1970. Il dessine pour l'édition et pour la presse (le 1, Le Monde, The New York Times). Deux fois lauréat du Concours des plus beaux livres français en 2008 et 2009, il a également obtenu le prix de l’École Supérieure de l’Image d’Angoulême en 2009 et le prix Drawing Now (Paris) en 2016. Il est membre de l'OuBaPo (Ouvroir de Bande dessinée Potentielle). Il participe fréquemment à des expositions dans des centres d'art et musées, en France et à l'étranger. Jochen Gerner est représenté par la galerie Anne Barrault (Paris).

︎︎︎ Jochen Gerner

© courtesy de l’artiste et de la Galerie Anne Barrault.