Questionnaire 

Janne Marie Dauer



Enfant, qui vous montrait des films, comment avez-vous eu accès au cinéma ? 

Mes parents, surtout mon père qui s’intéressait beaucoup au cinéma, ma mère elle c’était plutôt le théâtre. Il avait des livres d’art sur Antonioni et Tarkovsky. Le premier film que j’ai vu au cinéma c’était Kuzco, l'empereur mégalo par contre. Adolescent je lisais Rookie Magazine, je traînais sur tumblr, je streamais des films comme Virgin Suicides, sur des sites un peu douteux en très mauvaise qualité sur mon ordi haha. J’avais une carte d’abonnés au vidéo-club de mon quartier, je traînais là-bas. Ces lieux n’existent plus malheureusement. On pouvait y louer des films pour deux euros seulement ! Je me rappelle du lendema y être allé le lendemain de mes 18 ans, j’étais encore un peu saoule et j’avais surtout un début de gueule de bois. J’ai loué Le Parrain et je l’ai regardé avec deux ami.es. C’était génial.


Comment chosissez-vous les films que vous regardez aujourd’hui ?

J’ai des listes letterbox sans fin que je remplis des suggestions d’amis, de membres de ma famille et de blogs timber que je continue de visiter aléatoirement.

Citez un film que vous associez… 

À une musique : 

Something Wild (The Feelies, but the amazing soundtrack in general)  

À une couleur :

 Wanda de Barbara Loden : un bleu pâle et sale 

À un visage :

— Mulholland Drive de Davuid Lynch : ce visage qui sort de nul part et le sursaut qu’il produit... si vous l’avez vu vous savez de quoi je parle !  

À une lumière : 

Müllers Büro de Niki List, un film noir autrichien. 

À un lieu :

 Les Bouffons de Sebastian Schipper : Hambourg  

À un objet :

Rubin et Ed de Trent Harris : je compte le schats morts comme des objets 



À un vêtement : 

My Cousin Vinny de Jonathan Lynn : la combinaison moulante et florale de Marisa Tomei.

À un son : 

— Tetsuo de Shin'ya Tsukamoto : les bruits de machines 

À un geste :

Blow-Up de Michelangelo Antonioni : le geste sur l’affiche, mais aussi ceux des mannequins dans le film.  

Au silence :

Heat de Michael Mann : De Niro et Al Pacino qui se regardent. 


Au confort  : 

On s'fait la valise, docteur ? de Peter Bogdanovich : je le regardais à chaque fois qu’il passait à la TV, c’est si bien ! 


Racontez-nous un souvenir de cinéma.
Je me rappelle d’une projection en plein air magique à Zurich de The Big Lebowski. J’avais 13-14 ans, je visitais des ami.es de la famille en Suisse. Les gens portait le peignoire que porte Jeff Bridges dans le film, on servait des White Russians (pas à moi évidemment à l’époque). Je n’avais jamais vécu un tel engouement pour le cinéma, un tel amusement et une telle immersion liés à une projection. C’était au bord de la rivière Sihl, il y avait des trains qui passaient au loin. Au moment où l’image à disparu et que l’écran est devenu tout noir un train est passé pile à ce moment sur le pont derrière. C’était magique ! Tout le monde à applaudi le train !


Que regardez-vous dans les films ?

À part les quelques réponses évidentes qui me viennent automatiquement, je dirais que je regarde l’arrière-plan. Mon intérêt pour l’aérographe vient en partie de ma fascination pour les fonds flous dans les bureaux  du film de Pakula Les Hommes du Président. Je pense qu’il y a une vraie magie dans le format 35mm. J’adore aller voir des films projetés en pellicule à Vienne !


Qu’est ce qui vous effraie au cinéma ?

L’anticipation, les choses implicites, qui ne sont pas montrées explicitement mais qui n’empêchent pas votre subconscient de sombrer dans la spéculation la plus délirante. Cette tension m’intéresse. Comme dans Signes avant que l’alien soit montré.

Dans quels films aimeriez-vous habiter ?

J’ai l’impression qu’il ferait bon vivre dans les films d’été de Rohmer. Le Rayon Vert m’a redonné de l’espoir après une rupture. Ils ont cette qualité réconfortante sans pour autant être exagérément sentimentaux ou niais.



Qu’est-ce que vous faites quand vous vous ennuyez devant un film ?

Parfois je regarde les films en plusieurs fois. Je sens que ma main s’approche dangereusement de mon téléphone mais j’essaie de m’en empêcher !


Le cinéma laisse-t-il son empreinte sur votre travail ? 

La bande-dessinée et le cinéma sont très liés pour moi. Un des plus beaux compliments qu’on puisse me faire c’est quand on dit d mon travail qu’il est très cinématographique. On choisit son décor, on fait son casting, on est son propre producteur, réalisateur, chef opérateur… Pour ce qui est des cases j’y pense en termes d’angles de caméra. J’adorerais travailler sur le storyboard d’un film un jour. Pour ce qui est de ma peinture je m’inspire de plans de films pour établir ma palette de couleurs. Je fais des captures et je regarde des blogs sur le cinéma pour trouver l’inspiration pour la composition, la couleur, l’ambiance générale.

Si vous faisiez du cinéma, ça ressemblerait à quoi ?

J’aime les films très dialogués dans lesquels il ne se passe pas grand chose en apparence. Mai j’adore aussi les road-movies. Peut-être une histoire d’amour sur des voleurs à la sauvette qui se passerait à Vienne ou en Allemagne, dans une banlieue, où les enjeux qui seraient de prime à bord faibles prendraient une tournure démesurée. Un mélange d’absurdité, d’humour et de tristesse.

Quel film auriez-vous aimé réaliser ?

Slacker de Richard Linklater 
— La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski
— Something Wild de Jonathan Demme

Quelles sont les sensations que vous procure le cinéma que vous ne trouvez pas ailleurs ?

Une immersion totale, une plongée dans un media pendant 2-3 heures. Je me souviens encore du réconfort déjà mentionné plus haut trouvé dans un film ou de la tension ressentie dans tout mon corps devant un film d’horreur. Ça n’a pas de prix !


Et inversement : que trouvez-vous ailleurs que vous ne trouvez pas dans le cinéma ?

L’immobilité, la fixité, particulièrement dans la peinture. Le cinéma contrairement à la littérature ou à la musique laisse peu de place à une imagination libre. La bande-dessinée m’intéresse comme médium qui évolue dans l’espace de la page et dans le temps à travers le séquençage et la simultanéité des cases.

Est-ce que votre travail vous ressemble ?

On m’a dit que chaque dessin que je faisais était un auto-portrait. C’est peut-être vrai.
Janne Marie Dauer, est une illustratrice née en 1995 à Göttingen qui vit et travaille à Vienne.  Elle étudie à l’Université des arts appliqués de Vienne dans le département peinture et animation. Auerhaus, sa première bande-dessinée à été publié en 2023 chez  Blumenbar.

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