Questionnaire

Hugo Glavier



Quels sont les films qui ont marqué...
    1. Votre enfance ?

— L'histoire sans fin de Wolfgang Petersen et un très étrange téléfilm sur la destruction de la Terre par une météorite dont je ne connaissais pas le titre mais dont le début avait été enregistré par mes parents à la fin de la cassette vidéo d'Astérix et la Surprise de César et qui me terrifiait.

    2. Votre adolescence ?

— Le vent se lève de Hayao Miyazaki

    3. Votre vie d’adulte ?

Une femme sous influence de John Cassavetes (sa bande-son également).  
Mon Oncle de Jacques Tati

Enfant, qui vous montrait des films, comment avez-vous eu accès au cinéma ?

Mes parents m'emmenaient au cinéma. Je me souviens de mon premier film, c'était Tarzan avec mon père, et aussi d'une projection d'un film de Winnie l'Ourson où le projectionniste s'était trompé de pellicule et avait lancé un tout autre film pendant une bonne quinzaine de minute. Mes parents vivent à la campagne, donc le plus souvent on allait le mercredi avec ma mère au cinéma municipal dans un village pas loin, qui n'avait qu'une seule salle de projection avec des fauteuils dignes d'une salle de torture. C'est aussi dans cette salle que je prenais des cours de théâtre. Et puis il y avait les cassettes vidéo, que mon père ramenait de son boulot - il travaillait dans une boîte d'électronique où il y avait une vidéothèque pour les employés. Je pense que c'est comme ça que j'ai vu mes premiers films. La première fois que j'ai décidé d'aller au cinéma par moi-même c'est quand je suis arrivé au lycée. Je suis allé voir Des hommes sans loi de John Hillcoat, un film assez médiocre mais j'en garde un bon souvenir du coup, et le scénario est si ridicule que ça en devient drôle.

Qui vous montre des films aujourd’hui ?

Je fais des listes infinies de films qu'on me conseille et je finis toujours par regarder autre chose quand je suis chez moi et que j'allume le projecteur. J'aime accompagner mes parents au cinéma, je pense qu'on a des goûts différents maintenant du coup on choisit un film au milieu. Et parfois des ami.es me montrent des films qu'ils aiment bien, mais ces moments sont (trop ?) rares à présent.

Montrez-vous des films aux autres ?

Cela se passe souvent chez moi, parce qu'on a de la place et ce qu'il faut pour montrer un film correctement. Une visite à la maison c'est souvent l'occasion de regarder un film, c'est une petite fête quelque part. Quand ces moments un peu hasardeux coïncident avec une période où j'ai beaucoup pensé à un film, que j'ai déjà vu ou pas (mais souvent que j'ai déjà vu et que j'aime), je propose de le regarder.

Racontez-nous un souvenir de cinéma.

J'étais dans une salle de cinéma pendant le festival Premiers Plans, j'étais encore lycéen. J'étais entré un peu au hasard, pour passer le temps en attendant une autre séance, sans trop savoir quel était le film projeté. Quand la projection a commencé, j'ai découvert Amour 65 de Bo Widerberg, qui m'a laissé une impression de douceur que je n'avais encore jamais ressenti dans une salle de cinéma. J'étais fatigué par le rythme intense du festival, je m'endormais un peu devant l'écran et j'avais l'impression que le récit continuait derrière mes yeux lorsque je m'assoupissais. En sortant de la salle, j'ai eu l'impression d'avoir intégralement rêvé le film, et je ne l'ai jamais revu depuis, je crois que j'ai envie d'en garder ce souvenir nuageux et doux. C'est peut-être mon plus beau souvenir de cinéma.

3 mots que vous associez au cinéma ?
Regard, hésitation et fin.



Un détail insignifiant dans un film dont vous vous rappelez souvent sans trop savoir pourquoi ?
C'était dans les bonus d'un DVD du Costume de Mariage de Kiarostami, il y avait quelques courts films que le réalisateur avait tournés pour expliquer aux enfants à l'école les règles du vivre-ensemble je crois. A la fin d'un des segments, deux enfants qui jusqu'ici se bagarraient deviennent finalement amis. Ils sont tous les deux dans la cour de récréation, et l'un d'entre eux sort de son sac un concombre qu'il casse en deux pour le partager avec son nouvel ami.

Parlez-nous d’une maison au cinéma qui vous plaît.
Je pense à la maison familiale dans Éclairage Intime de Ivan Passer. C'est une maison de village dans la campagne tchèque, qu'on découvre au fur et à mesure du film sous tous ses angles. Toute la famille y vit, et même plus car les amis semblent s'y inviter d'eux-mêmes. La nuit, on a l'impression qu'on y trouvera toujours quelqu'un d'éveillé avec qui discuter dans la salle à manger. C'est une maison vraiment habitée, où on joue souvent de la musique. Elle a quelque chose de foutraque, forcément quelque chose d'attachant.

Que regardez-vous dans les films ?

Les regards. Dans ma propre pratique de l'animation c'est à la fois quelque chose que j'adore dessiner et ce qui me pose le plus de problème. D'ailleurs dans mon prochain film le personnage que je dessine n'aura pas d'yeux ! Un regard et une émotion tiennent à si peu de choses. Alors quand je regarde un film, en particulier quand il s'agit d'un film live, et que je ressens quelque chose de fort devant l'image, c'est souvent lié au regard de l'acteur ou de l'actrice, à ce que ce regard me communique ou pas.

C’est quoi pour vous « la magie du cinéma » ou la magie AU cinéma ?

Quand j'étais au lycée je suis allé voir Intouchables au cinéma avec mon cousin, dans un MégaCGR en zone industrielle de la ville. Toute la salle riait beaucoup, ça se sentait que tout le monde passait un bon moment. A la fin, quand les lumières se sont rallumées, toute la salle s'est levée pour applaudir. Je crois que je me suis dit "Ah oui c'est ça la magie du cinéma" ou quelque chose comme ça.

Comment décririez-vous votre travail en quelques mots ?

Je dirais que les films que je réalise tournent souvent autour d'un élément simple, un petit détail, un objet, un geste, une parole, qui est en réalité une clé de voûte du récit, un passage obligé vers la fin. Et que j'aime quand il faut déployer des grands efforts pour offrir à ce petit élément la place qu'il mérite, pour qu'il sonne comme une évidence, comme si tout le film était là pour faire exister ce moment de petite forme.

Quels films auriez-vous aimé réaliser ?

L'enfant invisible de André Lindon, un incroyable long-métrage d'animation réalisé par un seul homme, avec une manière de mettre en mouvement le dessin que je n'ai jamais vu ailleurs. Et Le rayon vert de Rohmer, le personnage de Delphine me fait mourir de rire et en même temps je crois qu'elle me ressemble.

Avec quelles autres pratiques artistiques votre travail dialogue-t-il le plus ?

J'aimerais beaucoup que cela soit la poésie. Je ne sais pas trop ce que veut dire le poétique au cinéma, je ne sais pas trop si cela veut dire quelque chose d'ailleurs. Mais quand un poème me touche il le fait profondément, et parfois un poème peut m'aider à trouver des réponses tandis que j'écris un film ou que je dessine et que je me perds un peu.

Hugo Glavier est né en 1996 au Mans. Il se tourne vers le cinéma d’animation et se forme à l’école Estienne où il réalise l’Imbecqué, son film de diplôme, présenté dans de nombreux festivals français et internationaux. Il intègre ensuite l’école de la Poudrière en 2018 où il réalise plusieurs films, dont Tonnerre, son projet de fin d’études, également montré dans plusieurs festivals à-travers le monde. Diplômé en 2020, il travaille depuis en tant que réalisateur. Il a notamment adapté un poème de Baudelaire en 2022 pour la collection En Sortant de l’École. Il travaille actuellement à l'écriture de Mon Jean-Luc, un documentaire animé sur la figure du chanteur Jean-Luc le Ténia, ainsi que sur La Piste des Canadairs, un projet de court-métrage en animation et en peinture. Son travail est traversé par des questions autour de l'amitié, de sa rupture et de son souvenir.

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