Questionnaire
François Deladerrière
Quels sont les films qui ont marqué...
1. Votre enfance ?
— Condorman de Charles Jarrott
— Bambi de David Kerrick Hand et James Algar
— Docteur Jivago de David Lean
— Michel Strogoff de Carmine Gallone
2. Votre adolescence
— Apocalypse Now de Francis Ford Coppola
— Candy Mountain de Robert Frank
— Radio On de Christopher Petit
— L’Armée des Ombres de JP Melville.
3. Votre vie d’adulte ?
— Ice Storm de Ang Lee
— Little Odessa de James Gray
— Nous et Les Saisons d’Artavazd Pelechian
— Adieu Philippine de Jacques Rozier
— Tabou de Miguel Gomes
— Meurtre d'un bookmaker chinois de John Cassavetes
— Sombre de Philippe Grandrieux
Racontez-nous un souvenir de cinéma.
Je me souviens de la série Twin Peaks. À l’époque nous étions une petite bande d'amis attirés par le cinéma. Un copain de la bande avait enregistré sur VHS les épisodes de la première saison, et nous avons passé une nuit entière à les regarder tous à la suite. Aujourd’hui avec le streaming c’est devenu beaucoup plus facile et sans doute banal. Mais à ce moment là, partager cette nuit et plonger dans l’univers de David Lynch, c’était assez fort.
Que regardez-vous dans les films ?
Ça dépend réellement si c’est le premier visionnage ou non. Quand je revois un film, je regarde la lumière, le cadre, les mouvements de caméra… mais aussi beaucoup les décors. Ce qui me fascine lorsque je vois un vieux film, c’est découvrir des paysages, des villes, des habitudes perdues. Les films sont de formidables documents qui parlent de leur époque. Par exemple si je revois À bout de souffle, je vais m’attacher au Paris des années 60, La vie dans la rue, les cafés… Je crois que c’est ce qui me motive à revoir plusieurs fois certains films.
Citez un film que vous associez...
À une musique :
— Diva de Jean-Jacques Beineix
— La musique de Keith Jarrett sur la plage d’Ostie dans Journal Intime de Nanni Moretti.
— L’éternité et un jour de Theo Angelopoulos
À une couleur :
— Le Ballon Rouge d’Albert Lamorisse
À un visage :
— Le visage de Setsuko Hara dans Printemps Tardif d’Ozu.
À une lumière :
— Sombre de Philippe GrandrieuxÀ un lieu :
— The Epic of the Everest de Captain John Noel
À un son :
— Le son de la scène du braquage dans Heat de Michael Mann.
À un vêtement :
— Le Bob de Donald Sutherland dans M*A*S*H de Robert Altmann.
À un objet :
— Monty Python : Sacré Graal ! de Terry Gilliam, Terry Jones, le graal bien sûr.
Au silence :
— Le Grand Silence de Philipp Groning
À un mouvement :
— Les Délices de Tokyo de Naomi Kawase, le vent dans les arbres.Au désordre :
— Playtime de Jacques Tati
Qu’est-ce qui vous émeut au cinéma ?
La scène de la traversée de la rivière par Mattie Ross, dans True Grit des frères Coen.
Qu’est-ce qui vous impressionne au cinéma ?
Les plans séquences, et notamment celui qui ouvre La Soif du Mal d’Orson Welles.
Qu’est-ce qui vous amuse au cinéma ?
Certains personnages anarchistes qui opposent leur humour à l’absurdité du système.
Quels sont les films qui vous habitent ?
J’ai beaucoup de souvenirs de road-movies (ou des films de traversées) : Candy Mountain, Radio On, Stranger Than Paradise, Dead Man... sont des films qui ont résonné longtemps en moi.
Dans quels films aimeriez-vous habiter ?
Dans les film d’Ozu.
Quel cliché vous agace terriblement au cinéma ?
Tous les personnages clichés, construits sur des archétypes. Tous les personnages auxquels on ne croit pas parce que vus et revus.
Quel cliché vous plaît secrètement au cinéma ?
En toute contradiction, le héros solitaire de western, tout à fait archétypal. L’aventurier sans attaches.
Quels sont les paysages de cinéma que vous rêveriez d’explorer ?
Cape Breton Island, en Nouvelle-Écosse, dans le film Candy Mountain de Robert Frank
Quels sont les films dans lesquels vous aimez vous perdre ?
Les films de Jacques Rozier, dans lesquels le temps s’étire. Je me perds dans les longueurs de Maine Océan ou Du côté d'Orouët.
Ce serait quoi pour vous « la magie du cinéma » ou la magie AU cinéma ?
Celle de rendre réels des personnages de fiction.
Avec quelles autres pratiques artistiques votre travail dialogue-t-il le plus ?
La peinture.
Le cinéma laisse-t-il son empreinte sur votre travail ?
Le cinéma m’a encouragé à assumer la part de fiction de mon travail. Il accompagne aussi ma réflexion sur la densité de temps contenu dans mes images.
Qu’est-ce qui est cinégénique à vos yeux ?
Les variations de lumière et de luminosité sur un paysage.
Si vous faisiez du cinéma, ça ressemblerait à quoi ?
Il m’arrive régulièrement d’avoir envie de filmer ce que je photographie. J’imagine de longs plans fixe sur des paysages, des objets. Il n’y aurait alors que de légers mouvements, du vent dans la végétation, des variations de la lumière. Mais je crois pas que ce serait du cinéma pour autant.
Est-ce que vos images vous ressemblent ?
Je me demande souvent jusqu’à quel point on est honnêtes et sincères dans son travail, lorsqu’on montre des images dont on sait qu’elles seront notre reflet, qui laisseront apparaître une part de nous. Peut-être que mes images sont à mi-chemin entre ce que je suis, et ce que je souhaite montrer de moi. Peut-être aussi que j’aimerais pouvoir dire que je ressemble à mes images.
Si on faisait un film sur vous ce serait un film sur quoi ?
Peut-être qu’on pourrait faire un film sur toutes les tâches qu’un artiste doit accomplir en dehors des trop rares périodes de création, mais je crois que ce serait terriblement ennuyeux.
Diplômé de l’École Nationale Supérieure de Photographie d’Arles, François Deladerrière réalise des projets photographiques le plus souvent liés au paysage. Il longe par exemple l’autoroute A40 pour une série de photographies entre vallée du Rhône et Chamonix, ou aborde la montagne avec une importante commande : Nice et Savoie, Un Regard Contemporain. En 2013, il participe au projet collectif « France(s) Territoires Liquides », mission photographique qui dresse un état des lieux des paysages français. Depuis 2015, il poursuit un travail collectif dans les Alpes italiennes, « CALAMITA/À project ». Ce travail de recherche pluridisciplinaire vise à documenter la vallée du Vajont dans les Dolomites, où s’est produit une catastrophe majeure sur un barrage hydraulique en 1963. Ce projet, toujours en cours a déjà fait l’objet d’une publication : « The Walking Mountain ». Plus récemment, il s’installe dans les Pyrénées le temps de l’hiver 2023-2024 pour un long travail en résidence inspiré de la lecture du roman Winter, de Rick Bass. Son travail est représenté par la galerie Le Réverbère, à Lyon.
︎︎︎ francoisdeladerriere.com
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