Questionnaire 

Benoît Grimalt



Quels sont les films qui ont marqué...
    1. Votre enfance ?

J'ai découvert le cinéma à la télévision. A l'époque, peut-être ai-je été marqué par un Walt Disney ou un Fernandel, mais voici ceux que je retiens aujourd'hui :
La Belle Américaine et Le Petit Baigneur de Robert Dhéry
L'homme au complet blanc et Tueurs de dames d'Alexander Mackendrick
Les 39 marches et Une femme disparaît d'Alfred Hitchcock que j'avais vus, et c'est difficile à croire de nos jours, sur TF1 un dimanche soir à 20h30 (en version française par contre)
L'homme de Rio de Philippe de Broca


2. Votre adolescence

— Highlander de Russell Mulcahy
Les Incorruptibles de Brian De Palma
Frantic de Roman Polanski
Le petit diable de Roberto Benigni

À cette époque, j'allais plus souvent au cinéma. Avantage de la projection : même les films de piètre qualité paraissent plus importants sur grand écran (exemple avec Le Grand Bleu, que je me suis forcé à aimer parce que la majorité des gens de mon âge l'adorait alors qu'il était pour moi d'un ennui profond) alors que les bons films restent bons quel que soit le moyen de diffusion. Mais c'est grâce au petit écran qu'un basculement aura lieu en 1991 : la diffusion au Ciné- Club d'Antenne 2 (actuelle France 2), de Baisers volés de François Truffaut. À partir de là, j'arrêtais totalement de regarder TF1 et de m'intéresser à Hollywood. Grâce à cette chaîne, je découvre aussi Stranger than paradise de Jarmusch, L'amour existe de Maurice Pialat, Manhattan de Woody Allen, Tous les garçons s'appellent Patrick d’Éric Rohmer et Jean-Luc Godard. Et grâce au Cinéma de Minuit de FR3 (actuelle France 3) je découvre les films d'Antonioni, Bertolucci, Fellini, Scola... Films trop matures pour quelqu'un d'immature mais qui me proposaient autre chose que des courses-poursuites ou des histoires d'extra-terrestres.

3. Votre vie d’adulte

Blow-Up de Michelangelo Antonioni
La dolce vita et Huit et demi de Federico Fellini
Que la bête meure de Claude Chabrol
Van Gogh de Maurice Pialat
Dieu seul me voit de Bruno Podalydès
Lettre d'un cinéaste d'Alain Cavalier (tourné pour la télévision)
— Les films d'Aki Kaurismaki
— Les films de Luc Moullet
— Certains Woody Allen
Aprile de Nanni Moretti
Peau de cochon de Philippe Katerine
Honor de cavalliera d'Albert Serra

Racontez-nous un souvenir de cinéma.

La fois où j'ai enfin compris Blow-Up d'Antonioni parce que je le voyais sur grand écran. Sur petit écran, on ne distinguait pas le détail essentiel qui sous-tend l'intrigue. Les films doivent donc se voir sur grand écran.

Citez un titre de film que vous aimez particulièrement.

Il minestrone de Sergio Citti. J'aime aussi ces autres titres : , What ?, Comment ça va, Tout va bien, Pouic-Pouic, Tout ça pour ça, Tralala.


Que regardez-vous dans les films ?

Tout : le cadre, la lumière, les personnages, le décor, les sons, la musique... Souvent l'intrigue passe au second plan tant je regarde et j'écoute la manière dont le film est fabriqué.

Citez un film que vous associez… 

À une musique : 

Il était une fois la révolution de Sergio Leone

À une couleur :

Le mépris de Jean-Luc Godard. Bon, il s'agit plutôt de trois couleurs (rouge, jaune, bleu).

À un visage : 

Les lumières de la ville de Charlie Chaplin

À une lumière :

— Les films de Kaurismaki.

À un lieu :

Le jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica

À un son : 

— Le son des graviers dans Gerry de Gus Van Sant.
— Le son du vent dans la plupart des films italiens de la période 1950-1990.

Au silence : 

— Étrangement je pense au Cheval de Turin de Béla Tarr qui est pourtant inondé de musique.

Au désordre : 

Nada de Claude Chabrol
— Ainsi que Week-End de Godard et la plupart des films de Jean-Pierre Mocky.

Qu’est ce qui vous émeut au cinéma ?

Les détails : un silence (chez Kaurismaki), un faux raccord (chez Pialat), un cadrage (les films de Bresson), une voix (Vitti, Seyrig, Trintignant, Balibar), un travelling (Peau de cochon), une durée (le dernier plan de France, tour, détour), un plan entièrement noir (Peindre ou faire l'amour), une gestuelle (Jean-Pierre Léaud qui va et vient), une composition (Ozu), un arrêt sur image (Sylvestre de Monteiro), un regard caméra, un ralenti, une musique... J'ai l'impression que le plus souvent l'émotion au cinéma naît de la musique. D'une combinaison image + musique. Il faudrait regarder Le Mépris ou In the mood for love sans musique pour vérifier. La musique, en général, me touche plus que le cinéma. Mais surtout ce qui m'émeut, ce sont les fins. Avec une préférence pour les fins soudaines (Sacré Graal par exemple) et celles où apparaît le mot FIN. Ce que l'on ne voit plus depuis 40 ans à peu près.




























Qu’est ce qui vous impressionne au cinéma ?

La taille de l'écran et donc que tout apparaisse plus majestueux.

Qu’est ce qui vous amuse au cinéma ?

L'absurde, le burlesque et la mise en abyme (Bunuel, Keaton, Etaix, Moullet, Godard, Guiraudie, Dupieux, Eugène Green).

Quels sont les films qui vous habitent ?

Enfant, à l'école plutôt que de suivre les cours, je pensais aux films que j'avais vus la veille à la télévision. Me souvenir des aventures que vivait le héros des 39 marches me paraissait plus palpitant que le cours de mathématiques du matin. Et cela n'a pas changé. Toute la journée, des images de films circulent dans ma tête ou surgissent sans crier gare. Il n'y a pas un jour sans que n'intervienne une image d'un film de Kaurismaki, de Fellini ou de Moullet. De même que je ne peux pas m'empêcher de penser au Cheval de Turin de Bela Tarr à chaque fois que je fais bouillir des pommes de terre. Sinon trois films m'habitent constamment : Blow-Up, Baisers volés,

Dans quels films aimeriez-vous habiter ?

Baisers volés parce que Paris et les années 60. C'est d'ailleurs ce film qui m'a donné envie de monter à Paris. Hannah et ses sœurs parce que New York et l'automne. Sérénade à trois de Lubitsch parce que en studio et en noir et blanc ; le cocon idéal. Poveri ma belli de Dino Risi parce que Rome dans les années 50 et que tous les personnages ont l'air de bien s'amuser.

À votre avis pourquoi le cinéma est-il un art si populaire ?

Parce qu'il permet de se rendre en Amazonie ou au Moyen-Âge sans bouger de son siège ? Son succès viendrait-il donc de la paresse du spectateur ?

Est-ce que vos films vous ressemblent ?

J'espère qu'ils me ressemblent. Enfin oui je crois, à part qu'ils sont moins sombres qu'ils ne pourraient l'être mais ce ne serait pas poli d'imposer cela au spectateur. Ceci dit j'ai tourné très peu de films. Je me consacrais à la photographie jusqu'à présent. Mais toujours dans l'idée de raconter des histoires. Donc j'accompagnais mes images de légendes, donc de sous-titres. Et toute photographie pourrait être un photogramme tiré d'un film. Et un livre de photographies, du cinéma sur papier.

Quels films auriez-vous aimé réaliser ?

Titanic parce que je ne sais pas comment on réalise ce genre de film. Ceci dit je n'ai pas vu Titanic. Alors disons La Tour infernale ou Apocalypse Now. Et les courts films de Valérie Mrejen.

Si on faisait un film sur vous ce serait un film sur quoi ?

Un film sur quelqu'un qui n'a toujours pas compris le monde et qui cherche le mode d'emploi.

Quels sont les clichés que vous aimez au cinéma ?

J'ai de plus en plus de mal avec les clichés et aime de plus en plus ceux qui les détournent (Godard, Rozier, Larrieu, Guiraudie, Green).

Qu’est ce qui est cinégénique à vos yeux ?

A peu près tout. Aussi bien un coucher de soleil qu'une boîte de conserve. Il faut simplement (facile à dire) trouver le bon angle et le bon moment. Je dis « à peu près tout » car une salle de réunion éclairée au néon, un guichet de pôle emploi, un banquier ou un supermarché ne le sont pas.

La frontière fiction/documentaire vous en faites quoi ?

Je me pose de moins en moins cette question. Même si, dans mes réponses précédentes j'ai souvent cité des fictions. Je crois cependant que je m'ennuierais à tourner un film de fiction car si je prends des photos ou tourne des films, c'est d'abord pour être surpris. Je crois que si j'écrivais un scénario je n'aurais plus vraiment envie de le tourner. Un peu comme si je devais me lever chaque matin pour aller au bureau tout en sachant ce que je vais y faire pendant 8 heures. Le contraire de la vie. En tout cas les cinéastes qui m'intéressent le plus sont ceux qui jouent avec cette limite (Godard, Cavalier, Moullet, Eustache, Katerine).

Est-ce que faire du cinéma vous aide à mieux regarder les choses, à mieux les observer ?

Les films mais aussi les photographies, les dessins, les bandes dessinées m'ont appris à regarder. À observer. Quoique c'est aussi l'ennui et le manque d'occupation, durant ma jeunesse qui m'ont appris à observer. Mais effectivement la caméra aide à être plus attentif et donc effectivement à mieux regarder. Même si parfois je découvre a posteriori, des éléments que je n'avais pas vus, sur ma planche contact ou en visionnant des rushes.

Est-ce que regarder des films vous aide à mieux comprendre le monde ?

Je pensais trouver des solutions dans les films et les œuvres d'art. Je n'ai toujours pas trouvé et je ne comprends toujours pas le monde. Peut-être que la solution se trouve dans le générique de fin ?

Ce serait quoi pour vous « la magie du cinéma » ou la magie AU cinéma ?

La magie du cinéma ce serait qu'un jour, peut-être, un film puisse changer le cours des choses ?

Benoit Grimalt est né en 1975 a Nice. Il est diplômé de l'École des Gobelins en photographie.
Il est donc photographe.
Mais pas seulement puisqu’en 2009, il réalise un film documentaire (Not all fuels are the same). Il est donc aussi réalisateur. Mais pas seulement puisqu’en 2012, il publie un livre de dessins (16 photos que je n’ai pas prises). Il est donc aussi un peu dessinateur. En 2017, il réalise un second documentaire (Retour a Genoa City) qui aura plus de succès que le premier puisque primé dans de nombreux festivals (Quinzaine des réalisateurs, Cinemed, Premiers plans...).

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